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Georges LACOMBE (Versailles, 1868 – Alençon, 1916) Marine bleue. Effet de vagues Vers 1893

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S’il vient sauras-tu le prendre le navire annoncé par les
cinq océans
Sauras-tu éviter les vagues qui viennent mordre le rivage
L’écume dans la gueule blanche à faire reculer la nuit
Pour que le jour ne s’achève jamais
Pour que tu ne te reposes plus
Il y a tant à faire sous le soleil

S’il vient sauras-tu l’ennoblir ce bateau
Décroche un croissant de lune
Et voici une coque longue et fine comme une goélette
Taille quelques rayons de soleil
Et voilà un fier trois-mâts qui relève la tête
Saisis une étoile filante en vol
Et tiens bon la barre aux cinq épines de lumière
Déchire la queue d’une comète
Et mets toutes voiles de feu dehors

Vers le 
Nord
Au pays des couleurs bleues où la neige est blanche
Où les troupeaux de rennes traversent les vallées qui
descendent dans les fjords
Nous donnant la mer à la bouche
Vers le 
Nord où vagabondent les poésies
Qui nous entraînent dans les pays du beau et du bon

Pars comme se baladait le nain sur l’oie sauvage
Tu prendras le premier oiseau qui dépliera ses ailes devant
ta maison
Ses plumes racontent que dans le froid il y a une odeur de
cheminée
Une main qui désire la tienne
Des moufles en laine de toutes les couleurs qui galopent
sur la prairie
Écoute le chant des bâtisseurs de cathédrales
Leurs voix maçonnent des fenêtres dans nos cœurs
Leurs mains nous montrent les épaves des châteaux de
sable
S’agenouillant à la marée
Implorant la princesse à la robe d’écume
Pour qu’elle revienne du nouveau monde
Nous raconter des histoires à dormir debout contre la vie 

YVON LE MENLe jardin des tempêtes: Choix de poèmes 1971-1996, Ed. Flammarion

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